5- Étude d'une dissertation rédigée
      Quels sont les effets de l'organisation du travail sur la croissance économique ?
Travail : rédigez les transitions qui ont été retirées. Entre des idées d'un même paragraphe, un mot suffit, mais entre les sous-parties une transition est une phrase entière qui part de l'idée précédente pour amener celle suivante d'une manière logique. L'introduction et la conclusion sont intactes pour vous permettre de trouver la logique du devoir. Le plan, indiqué en bleu et en gras, n'était pas présent dans la copie. 

Note : cette dissertation a été rédigée par un candidat de l'académie de Nice au baccalauréat 2000. Si elle comporte certains oublis (indiqués en italique notamment pour l'étude précise des documents), elle va, sur certains points, notamment pour les références aux auteurs économiques, bien au-delà de ce qui est demandé en Terminale. Les points positifs compensant ceux négatifs, elle a été notée 20 / 20. La copie faisait 17 pages format "bac".

Introduction (longue) : (amorce du sujet) Mai 1968 : dans les usines, les boulons volent; la révolte des OS (ouvriers spécialisés) a largement supplanté les manifestations d'étudiants. Les revendications ouvrières semblent particulièrement claires et relèvent essentiellement des contraintes exercées par l'organisation taylorienne-fordiste de leur activité. Le caractère compensatoire des salaires élevés des usines des "trente glorieuses" ne suffit plus face à la nature abrutissante des tâches répétées à longueur de journée. L'aspect particulièrement aliénant du travail taylorisé (Georges Friedman parlera d'un travail émietté) pressenti comme indépassable dans cette période de croissance et de prospérité semble néanmoins remis en cause par l'ampleur des grèves précédant les accords de Grenelle. Puis finalement, plus rien ou presque... Chacun s'accorde dès lors à penser que le modèle de régulation fordiste ne saurait être remis en cause dans la mesure où il est une caractéristique essentielle de la croissance économique sans précédant que connaissent l'ensemble des pays industrialisés depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Rappel du sujet et définition des termes : L'organisation du travail, caractérisant les moyens par lesquels est organisée la production afin d'accroître la productivité et plus généralement la compétitivité de l'entrepris, reste sous les formes les plus diverses (fordisme, toyotisme...) une composante essentielle de la vie des l'entreprises; son imbrication avec la croissance économique (se définissant comme l'augmentation soutenue du produit global d'une nation en termes réels sur une période longue) a largement servi à légitimer ce que Marx entrevoyait comme "une forme civilisée d'asservissement" tout au long de la seconde moitié du XXe siècle, même si elle semble néanmoins difficile à cerner tant il importe d'y adjoindre la multiplicité des formes ainsi que certaines contraintes telles que l'internationalisation des économies.
Annonce de la problématique et justification du plan : Si l'organisation fordiste du travail peut sous certains aspects être considérée comme un modèle en porte-à-faux , d'autres formes plus diffuses et plus syncrétiques d'organisation du travail relevant de stratégies prenant en compte la "globalisation économique" se développent depuis le début des années 1980.
Nous allons voir comment les différentes formes d'organisation du travail sont à mettre en étroite relation avec la croissance économique et nous nous appuierons sur la période des "trente glorieuses" pour démontrer cette corrélation; cependant le contexte économique actuel semble marquer le pas de nouvelles formes de croissance et les récents bouleversements qu'ont connus les formes traditionnelles d'organisation du travail semblent remettre en cause la logique de prospérité du modèle de régulation fordiste-keynésien.

I. Le modèle fordiste et la croissance des 30 glorieuses
1°- de la division simple des tâches au fordisme
Les travaux de Dominique Méda ont clairement démontré que le travail tel que nous le connaissons actuellement trouve son origine au XVIIIe siècle. Adam Smith (document 3) avait montré les bienfaits de la parcellisation des tâches en s'appuyant sur l'exemple d'une manufacture d'épingles. La spécialisation de l'ouvrier dans une tâche précise permet d'éviter de perdre du temps en changeant d'outils, elle augmente la rapidité d'exécution et favorise l'invention de machines : bref, elle augmente la productivité du travail, c'est-à-dire la possibilité d'augmenter la production en utilisant les mêmes quantités de facteurs de production.  , l'organisation du travail par des moyens scientifiques est  beaucoup plus récente et doit être rattachée aux travaux de Taylor. Le taylorisme propose pour réduire la "flânerie systématique" constatée dans bon nombre d'usines d'organiser l'activité productive selon une hiérarchie pyramidale. La division du travail est double. La division verticale consiste à distinguer les travaux de conception des travaux d'exécution. le savoir des ouvriers doit être confié aux ingénieurs qui vont dès lors avoir pour mission de procéder à une réorganisation constante de la production en vue de l'amélioration de la compétitivité. Cette division trouve son origine dans l'application d'une formule taylorienne bien connue consistant en une déintellectualisation du travail ouvrier : "les ouvriers ne sont pas payés pour penser". A cette division verticale va être  adjointe une division horizontale consistant en une parcellisation des tâches productives et ce afin de réaliser toute activité selon la meilleure façon de possible : "the on best way", elle-même définie par les ingénieurs. Il n'est nullement ici question de l'invention du travail à chaîne mais de la création d'un nouveau mode organisationnel 
Ford tend à généraliser dans ses usines le travail à la chaîne suivant les principes tayloristes en y adjoignant un élément important de la corrélation organisation du travail - croissance économique : un largement supérieur à celui offert dans les autres entreprises et croissant afin de stimuler la productivité des travailleurs et de sélectionner les meilleurs d'entre eux. cette forme de rémunération sera alors popularisée par la fameuse formule du "five dollars a day". Ford avait bien compris qu'il ne pouvait généraliser sa conception scientifico-technique du travail sans en contrepartie laisser le champ libre à un puissant contre-pouvoir syndical se chargeant de réclamer des augmentations de salaire assez généralement acceptées. L'ostentation et la puissance des patrons était dès lors compensée par l'accès pour la masse des salariés à une société consommation de masse naissante et généralisable à l'ensemble des pays industrialisés : "la croissance, c'est bon pour tout le monde".

2°- les conséquences pour la croissance
E. Domar propose une application à long terme des principes keynésiens en développant l'idée d'un modèle de croissance équilibré. (Note : cette référence dépasse le programme de Terminale, mais l'analyse qui suit des gains de productivité et de la consommation en fait partie) ce dernier repose sur l'égalisation de deux effets :
- l'effet d'offre est basé sur le mécanisme du multiplicateur de Richard Khan également repris dans l'analyse keynésienne. Tout investissement productif dans une entreprise va favoriser une augmentation des gains de productivité et donc une hausse de la production globale.
- l'effet de demande correspond à un accroissement de la demande de consommation consécutif à l'augmentation des salaires relevant d'un partage de la valeur ajoutée favorable aux salariés.
 Pour Domar l'existence d'une croissance longue et soutenue ne peut provenir que de l'égalisation de l'effet d'offre (augmentation de la production) et de l'effet de demande (augmentation des achats) qui nécessite une intervention de l'État pour soutenir l'investissement. Cette analyse constitue le postulat de base de la régulation fordiste du travail qui favorisé une prospérité à long terme dès la généralisation de ce modèle à la plupart de pays industrialisés. Est apparue, d'abord aux États-Unis puis en Europe, une augmentation de la richesse créée et distribuée reposant sur un mécanisme de "cercles vertueux de croissance".
l'accès à la société de consommation de masse permise par une forte rémunération (Ford a un jour déclaré que la prospérité de son entreprise reposait sur la formule "mes ouvriers achètent les voitures qu'ils produisent"), permettait aux entrepreneurs, notamment par l'effet d'accélérateur d'accroître leurs investissements productifs donc leurs gains de productivité et d'en redistribuer une partie sous forme de rémunérations élevées. Toute hausse de la demande entraîne une croissance multiple des investissements car le coefficient de capital est supérieur à 1.
(document 2) les périodes de forts gains de productivité du travail, en France par exemple, comme en 1921-31 et surtout 1949-1973, sont également les périodes de forte croissance. (Note : il est obligatoire d'utiliser précisément le document et non seulement de le citer)
L'application à grande échelle de ces principes a favorisé le développement d'une longue période de prospérité économique et de quasi plein-emploi, décrite par Jean Fourastié par le paradigme de "croissance atypique des trente glorieuses". Tout au long de cette période s'est en effet développé par le pouvoir d'achat des salariés l'accès à de nouvelles formes de consommation : voiture, télévision, réfrigérateurs... Cet accès, facilité par les bas prix obtenu par les gains de productivité, allait devenir la consommation de masse. Elle conduit certains auteurs comme Mendras à parler d'un "embourgeoisement de la classe ouvrière" tout à fait symptomatique de cette durable prospérité. L'organisation du travail laissait également libre cours aux contre-pouvoirs syndicaux qui se développèrent largement tout au long de la période 1945-1975 : le compromis fordiste a besoin d'un pouvoir syndical fort capable de négocier la hausse régulière des salaires assurant des débouchés à la production de masse.
le développement économique clairement établi comme la résultat d'une forme d'organisation nouvelle de la production favorisa également l'apparition puis l'accroissement des rôles régulateur et redistributif de l'Etat-Providence, corroborant ainsi la démonstration empirique de l'économiste Wagner. Cet État, dans son fondement keynésien, doit soutenir le pouvoir d'achat  des ménages les plus "pauvres" : ces derniers, ayant la propension à consommer la plus forte, sont à la base de la consommation de masse et de toute  relance de la demande nécessaire pour revenir vers une situation de prospérité et de plein emploi, en cas de crise.
, l'organisation taylorienne et fordiste du travail a largement impulsé le contexte de croissance qu'ont connu les pays industrialisés par un souci constant de faciliter l'accès du plus grand nombre à la société de consommation de masse.

 II. Post-taylorisme et croissance
 (transition vers la 2e partie et introduction de celle-ci) La remise en cause d'une corrélation apparemment si stable doit avant tout s'établir autour d'un point essentiel qui est celui des formes actuelles de la croissance économique. L'internationalisation des économies semble avoir durablement modifié la donne quant à un contexte de croissance similaire à celui des "trente glorieuses".
1°- une modification des conditions économiques a conduit à la crise du fordisme
,l'ouverture internationale a contribué tout au long de la décennie 1975-1995 à réduire la rentabilité des "forteresses industrielles" qui ont du même coup opéré une importante réduction de leurs investissements de capacité au profit de placement plus rémunérateurs sur les marchés financiers. Ce phénomène renvoie à la notion de profitabilité développée par Malinvaud. La réduction des investissements  productifs a dès lors contribué à réduire les gains de productivité des entreprises. La croissance de la productivité du travail est passée de 4,7 % par an entre 1961 et 1973 à 2,5 % entre 1973 et 1979 (document 2) , déstabilisant totalement le modèle fordiste keynésien. Le maintien de salaires élevés et de revendications en matière d'augmentation des rémunérations conduisirent alors à ce qui fut décrit par Courbis comme une "spirale inflationniste" favorisant ainsi la généralisation des politiques d'austérité plongeant l'Etat-Providence dans une crise, qui, pour des auteurs tels que Pierre Rosanvallon, reste d'actualité.
... formes nouvelles de demande. Un modèle unique de Ford T noire ne peut convenir à cette nouvelle société de consommation réclamant des modèles diversifiés : rouges, verts, bleus, avec toit ouvrant, avec climatisation pour les automobiles, ceci étant vrai quelque soit les objets consommés. Cet aspect ne peut être pris en compte par les chaînes de production tayloriennes qui ne peuvent construire qu'un seul modèle et qui sont des investissements lourds nécessitant une sécurité dans l'écoulement de la production pour être rentables. 


2°- de nouvelles organisations du travail : le post-taylorisme
  Les formes d'organisation à flux tendus reçurent un écho suffisamment important pour en assurer la généralisation et le développement de concepts tels que le reeingenering (simplification des hiérarchies au sein de l'entreprise), le kaizen (processus d'amélioration continu du mode de production) ou le toyotisme (document 6) qui part de l'aval pour déterminer l'amont contrairement au taylorisme : en fonction de la demande, les produits sont mis en production, chaque poste de production ne produit que ce qui est nécessaire au suivant, ce qui évite le coût des stocks et répond au mieux à la qualité recherchée. Ces formes d'organisation devaient répondre au souci de diversité et de qualité des consommateurs tout en maintenant une compétitivité face aux entreprises des autres pays.

3°- leurs conséquences sur la croissance
ces nouvelles formes d'organisation du travail répondent avant tout à un besoin d'accroissement de la flexibilité et principalement de celle quantitative externe : l'entreprise fait varier le nombre de salariés selon son carnet de commandes par un recours important aux contrats à durée déterminée. La part des emplois précaires des emplois précaire en France est passée de 6 % de l'ensemble des salariés en 1985 à plus de 14 % en 2001 (document 5). L'entreprise peut aussi recourir à l'externalisation : elle se concentre sur sont activité productive et emploie des sous-traitants pour réaliser les tâches qu'elle effectuait auparavant. Enfin, le flexibilité salariale propose un ajustement du coût du travail aux bénéfices de l'entreprise. Cette flexibilité constituant le postulat de base des formes nouvelles d'organisation du travail et a amené ce qui fut analysé par Piore comme une segmentation du marché du travail : celui-ci se voit clairement divisé en un marché primaire constituant un marché stable et bien rémunéré, et un marché secondaire où le salaire peut être analysé selon l'analyse néo-classique : il est sensiblement égal à la productivité marginale du travail, et les emplois sont précaires et instables. Ainsi, dans une logique keynésienne, il est possible d'interpréter la période de "croissance molle" qu'ont connu les économies industrialisées ces dernières années comme l'application et la généralisation de ces modes d'organisation du travail. Le salaires n'est  plus le résultat d'un contrat favorable à la consommation mais correspond à une logique managériale libérale (document 1). Mac Do est caractéristique de cette logique, non parce que son organisation s'oppose au taylorisme, au contraire, la double division du travail horizontale et verticale est présente, mais parce qu'elle recherche l'adaptation de la production à l'amont, la diminution des coûts salariaux par les emplois partiels et précaires, bref qu'elle correspond au post-taylorisme. En ce sens, la consommation est beaucoup moins stimulée et les cercles vertueux de croissance semblent définitivement rompus, sous l'effet d'une recherche constante d'efficacité économique de chaque entreprise.

CONCLUSION GÉNÉRALE
 (répondre clairement au sujet en montrant la logique du devoir - ce pourrait être plus long) Au terme de cette étude où il a été mis en évidence le caractère déterminant de l'organisation fordiste du travail dans la période de croissance des "trente glorieuses", il ressort qu'une logique d'organisation à flux tendus de la production (et semble-t-il du travail) qui s'est largement développée tout au long des années 1980 ne saurait permettre le retour à une période de prospérité similaire tout du moins pour l'ensemble des actifs.
(ouverture - ici sociale) La segmentation avérée du marché du travail favorise de fait des déséquilibres sociaux importants, interprétés notamment comme une "fracture sociale", desquels ne peuvent resurgir une quelconque croissance forte et durable. l'accroissement d'une logique libérale dans l'organisation de la production ne pose pas de problèmes  uniquement au niveau économique mais aussi également au niveau social. On assiste ainsi pour certains auteurs comme André Gorz au développement d'une "société de nouveaux valets" et pour d'autres comme Robert Castels, la précarisation ne fait que renforcer le processus de "désaffiliation sociale".

Vous avez terminé l'étude de la dissertation, pour résumer, faire une dissertation nécessite la réalisation de 6 étapes :
1- analyser le sujet et trouver le(s) plan(s)-bateau(x)
2- rechercher des connaissances personnelles
3- étudier les documents en les comprenant et en recherchant leur intérêt pour le sujet
4- classer les idées dans les grandes parties des plans-bateaux. Vous pouvez alors chercher si un plan original est possible.
5- rédiger l'introduction et la conclusion (non étudiées ici)
6- rédiger les démonstrations et les transitions entre les idées.

Si vous avez l'impression que vous n'avez toujours pas compris ce sujet, un dernier exercice consiste à retrouver le plan détaillé à partir de la correction.

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