Introduction : (amorce) De nos jours, la majorité des grands pays sont en démocratie. Celle-ci a pour but (définition) de donner les mêmes libertés et pouvoirs à chaque citoyen, et, de nos jours, assurer la croissance. Pourtant, en France, pays démocratique, certaines personnes ont plus de pouvoirs et de libertés que d'autres. Par exemple, un grand patron de presse peut développer et faire connaître ses idées pour influencer les citoyens et les hommes politiques, alors qu'un sans domicile fixe ne le peut pas. (Rappel du sujet en le problématisant) Ces inégalités se heurtent au principe de démocratie. Pourtant, aujourd'hui, elles peuvent permettre à un pays de progresser dans son évolution. Se peut-il que les inégalités parviennent à se combiner au système démocratique afin de permettre à la France de se développer ? (Annonce du plan) Certains aspects des inégalités ne sont-ils pas en accord avec certains principes de la démocratie ? ou ces principes sont-ils bafoués par la situation inégalitaire de la société ?
I. Les inégalités sont compatibles
avec la démocratie quand elles permettent la prospérité.
(Présentation de la partie) La démocratie est d'abord une idée.
Par la suite, elle dut s'adapter à la société et prendre une forme plus concrète.
C'est pour cela que la démocratie a dû s'appliquer aux rapports économiques
et sociaux. D'un point de vue politique, la démocratie permet la liberté.
D'un point de vue économique, elle s'est fixée le but d'assurer la prospérité
. C'est en cela qu'elle doit favoriser la croissance. Or notre société inégalitaire
a cette capacité.
1°- Les inégalités qui favorisent l'ensemble de la société
sont justes.
La démocratie a d'abord été synonyme de liberté
(document 5) : liberté d'expression,
de mouvement et de création industrielle. Les révolutionnaires
qui ont voté la loi Le Chapelier qui intredisaient les anciennes corporations
souhaitaient que les entreprises puissent librement se créer. Chacun
devait pouvoir faire fortune s'il s'en donnait les moyens. Si les inégalités
permettent à certains de s'enrichir plus que d'autres, ainsi enrichis, ils sont
efficaces, investissent, font fructifier leur argent et permettent au pays de
croître. Adam Smith n'écrivait pas autre chose avec l'idée de
main invisible : le marché permet que la recherche du profit individuel
satisfasse l'ensemble de la société. Le boulanger fera des profits
en produisant un bon pain pas trop cher, il satisfera ainsi les consommateurs.
Aujourd'hui, l'idée de démocratie est inséparable de celle
de croissance économique.
Pour le philosophe Rawls, les inégalités qui profitent aux plus défavorisés
sont justes (document 6). Ainsi un patron
d'entreprise qui fait des bénéfices, s'enrichit et peut étendre encore son entreprise,
ce qui peut créer des emplois. Le plus riche permet au plus pauvre de s'enrichir
quelque peu. Antoine Riboud, ancien PDG du groupe qui est devenu Danone, était
dans ce cas. Il a fait de son entreprise la première européenne dans l'agro-alimentaire
et a créé des nombreux emplois. Lors d'une émission télévisée, il osé dire son
salaire (320 000 F par mois en 1982), car il paraissait juste à ses salariés :
mieux vaut un patron efficace et bien payé, qu'un patron mal payé et mauvais
gestionnaire. Le plus pauvre est content de travailler, d'avoir un revenu. (transition)
L'égalité n'est donc pas une nécessité pour la prospérité et pour la démocratie,
elle peut même lui nuire.
2°- Lutter contre les inégalités peut nuire à la
démocratie.
En effet, la recherche de l'égalité peut étouffer la liberté. Pour Tocqueville,
la « passion pour l'égalité » qui caractérise les sociétés démocratiques
selon Tocqueville peut se traduire par un repli individualiste, le désintérêt
pour la vie politique et l'acceptation de formes de « tyrannies »
et la volonté de réduire certaines inégalités se traduit nécessairement par
des mesures contraignantes, qu'ils s'agissent de mesures législatives ou des
prélèvements obligatoires. L'argent prélevé proviendrait des personnes
qui font des efforts ou des entreprises en expansion. Privé de cet argent, les
chefs d'entreprise investiront moins : la production de biens d'équipement
stagnera, le progrès technique sera incorporé moins rapidement
et la croissance sera amoindrie. Les emplois risquent d'être moins nombreux.
La redistribution rend les entreprises moins productives.
Cette redistribution ne rapporte rien, elle est improductive. Cet argent aurait
pu servir autrement. Hayek, économiste américain néoclassique, fait partie de
ceux qui pensent qu'il ne faut pas redistribuer l'argent (document
1) et chacun doit assumer les aléas de la vie économique. L'entreprise
non rentable fait faillite et les moyens de production peuvent être utilisés
dans les secteurs où existe une réelle demande. Le consommateur doit être le
seul juge de ce qui doit être produit : il « vote » par ses achats
pour le dire.
Les aides sociales sont souvent même contreproductives : les allocations
chômage permettent, par exemple, au chômeur de ne pas chercher activement
du travail. Il refusera un travail moins payé que ses allocations, il
refuse le salaire d'équilibre qui permettrait seul, pour l'analyse néoclassique,
d'équilibrer l'offre de travail et la demande de travail et d'éviter
le chômage.
(transition) La redistribution qui veut augmenter l'égalité
limite la production. Au contraire, c'est la liberté et les inégalités
qui permettent au plus fort de faire avancer les autres, un exemple en est l'amélioration
de l'espérance de vie.
3°- Nos sociétés inégalitaires connaissent une amélioration
du bien-être.
C'est ainsi qu'en 30 ans, l'espérance de vie a beaucoup augmenté (document
4) : de 2,8 ans pour les ouvriers dont l'espérance de vie à
35 ans est passée de 36,2 ans en 1960-1969 à 39 ans en 1980-1989. Un ouvrier
vit en moyenne 74 ans (35 + 39) s'il atteint l'âge de 35 ans (ce qui est le
cas le plus fréquent). Cela s'explique par l'amélioration générale
des niveaux de vie et de l'hygiène que le système capitaliste
a permis et par les progrès des moyens techniques pour prolonger et améliorer
la vie. L'existence de personnes très riches (aux Etats-Unis notamment) permet
le financement de la recherche médicale et l'achat des nouveaux médicaments
encore chers, qui ensuite profiteront à tous lorsque les économies d'échelle
entraîneront une baisse des prix. Les inégalités : les bénéfices
importants de l'industrie pharmaceutique et l'existence d'une classe sociale
riche, sont à l'origine du dynamisme économique et des améliorations
sociales.
(Conclusion de la première partie et transition vers la deuxième)
Tout cela montre bien que la démocratie peut s'épanouir par le biais des inégalités,
cependant ces phénomènes ne cachent-ils pas une réalité plus complexe
?
II. Une démocratie se doit d'être égalitaire.
(Présentation de la partie) La démocratie doit faire bénéficier
tous les citoyens des mêmes avantages. C'est en ce sens que inégalités sociales
et démocratie sont inconciliables. Tout le monde doit avoir les mêmes chances
de réussir.
1°- la mobilité sociale
Or, la mobilité sociale est très faible. En effet, 80 % des agriculteurs
sont fils d'agriculteurs, 56 % des ouvriers sont fils d'ouvriers. Cette situation
n'est pas due à un choix mais à un conditionnement. Ce conditionnement s'effectue
par le biais de la famille, de l'école, de l'entourage en général. Les ouvriers
sont sous-représentés à l'université (document
3) : sur 100 jeunes de 19 à 24 ans, 32,6 sont fils d'ouvriers
alors que sur 100 étudiants seulement 14,6 le sont en 1990. Dès
le cours préparatoire, les enfants d'ouvriers sont défavorisés
car le capital culturel (Bourdieu) transmis par les parents : les façons
de parler et les valeurs de l'école (individualisme, importance de l'écrit)
s'opposent à celles familiales (solidarité, débrouillardise
matérielle), alors qu'elles sont proches pour les catégories socioprofessionnelles
supérieures. S'y ajoute ensuite des choix différents d'orientation
(Boudon), le risque des études longues apparaît élevé
aux catégories qui n'ont pas fait de telles études et le coût
prohibitif par rapport à leurs revenus. Tout cela fait qu'un fils d'ouvrier
a beaucoup de chances de devenir ouvrier. Cette immobilité sociale cause un
stagnation dans l'emploi. Cette stagnation a elle-même pour conséquence une
baisse de la croissance et de la prospérité qui est l'un des objectifs de la
démocratie. En effet, si tous restent dans la même catégorie que leur père et
que le marché demande plus de cadres et moins d'ouvriers (ce qui est le cas
actuellement), il y aura un manque évident économique avec un nombre important
de chômeurs parmi les ouvriers. L'efficacité du système sera également
perturbée : les places de dirigeants n'iront pas forcément aux plus efficaces
mais aux fils de dirigeants. La démocratie en sort affaiblie : la
légitimité des élites peut être mise en doute et plus encore, la possibilité
pour chacun de se penser égal aux autres (l'imaginaire égalitaire de Tocqueville
qui est une condition essentielle de la démocratie). (Transition) Une
des causes de cette mobilité sociale insuffisante est la trop grande
différence de niveaux de vie.
2°- les inégalités économiques.
La démocratie et la croissance exigent des conditions de vie acceptables pour
chacun et que les inégalités ne creusent pas d'énormes tranchées entre les citoyens.
En effet, les inégalités font que certains se trouvent démunis. Donc la société
doit donner de l'argent à ces gens. Cet argent prélevé sur les entreprises florissantes
peut freiner l'épargne mais favorise, ainsi que l'a montré Keynes, la consommation,
donc la production et l'emploi.
Si cette redistribution n'est pas effectuée, toute la société
en verra les retombées. En effet, le cruel manque d'argent va segmenter la société,
créer des troubles et de l'insécurité (document 6).
La démocratie ne peut s'épanouir que si le pays a un bon développement. La misère
conduit aux dictatures. Le développement transite par le bien-être de la population.
Les inégalités font que certains se retrouvent sans rien et donc le développement
est amoindri. Aucun pays démocratique ne peut se permettre d'abandonner certains
concitoyens, même si la tolérance à l'injustice diffère selon les pays : les
américains acceptent beaucoup plus facilement que les français
les écarts. (transition) Aujourd'hui, les inégalités
touchent les jeunes.
3°- les inégalités entre générations
(document 2). La redistribution a su
sortir de la misère les personnes âgées grâce aux retraites et au minimum vieillesse.
Les jeunes paraissent aujourd'hui défavorisés car ils sont plus touchés par
le chômage et le travail précaire. Leurs revenus de départ sont inférieurs à
ceux de la génération précédente au même âge, alors que le niveau de vie moyen
s'est élevé. La raison en est le manque d'emplois des 30 dernières années. Les
néoclassiques mettent en cause évidemment le rôle croissant de l'État. Plus
sûrement la mondialisation est en cause qui fait jouer la concurrence entre
les travailleurs non qualifiés de tous les pays, ainsi que le progrès technique
qui n'a pas su développer fortement la consommation jusqu'à ces toutes dernières
années. La nouvelle gestion des entreprises, poussée par les fonds de pension
américains, favorise cet état de fait en privilégiant le profit à court terme
plutôt que l'emploi. L'État a peu pris en charge ce problème car il reste l'idée
que les personnes en état de travailler doivent se débrouiller seules et que
le marché est le meilleur des systèmes. Pourtant, une société
qui refuse d'intégrer une partie des nouvelles générations
actives créent des frustrations, des incompréhensions, des révoltes
qui débouchent sur l'abstention politique, la déviance (drogue)
et la délinquance.
Ceci montre bien que la liberté d'avoir les mêmes chances s'oppose au capitalisme
qui embrasse les sociétés inégalitaires.
Conclusion (répondre au sujet en insistant
sur la logique du devoir) Ainsi, il s'agissait de savoir si l'on pouvait
avoir une société démocratique inégalitaire. La réponse est dans la définition
même de la démocratie et de son interprétation. Ceux qui pensent qu'une société
démocratique assure d'abord la liberté et se doit d'être performante
d'un point de vue économique trouveront peut-être dans les inégalités qui existent
ce qu'ils cherchent .
Pourtant la démocratie implique l'égalité. Même si cette
dernière n'est que politique ou imaginaire, elle implique que des capacités
soient données à tous pour avoir la possibilité de grimper
l'échelle sociale. Certes chaque société adapte sa définition de la démocratie,
cependant, si le concept originel de démocratie n'a pas été corrompu et perverti
par les lois du marché, il est indéniable que démocratie et égalité sont des
notions et concepts indissociables pour le bon fonctionnement de chacun d'eux.
(Ouverture) La démocratie n'est-elle pas alors une utopie ?