5- Étude d'une dissertation rédigée
      La baisse des taux d'intérêt suffit-elle a une reprise de l'investissement ?

Travail : rédigez les transitions qui ont été retirées. Entre des idées d'un même paragraphe, un mot suffit, mais entre les sous-parties une transition est une phrase entière qui part de l'idée précédente pour amener celle suivante d'une manière logique. L'introduction et la conclusion sont intactes pour vous permettre de trouver la logique du devoir. Le plan, indiqué en bleu et en gras, n'est pas, en principe, présent dans la copie. 

 INTRODUCTION : (amorce) L'Euro a remplacé le Franc en Février 2002. Derrière cette modification monétaire importante, qui comporte des désagréments et des avantages pour les citoyens européens, se trouve la volonté de diriger avec plus d'efficacité la politique monétaire. La Banque Centrale Européenne intervient par la politique monétaire pour lutter contre l'inflation et pour favoriser la croissance : en agissant sur les taux d'intérêt, directement par son taux directeur, ou indirectement par l'open market, elle peut relancer ou bloquer l'investissement. En effet, le taux d'intérêt est le prix que doit payer un emprunteur (définition) , pour les entreprises qui investissent avec un crédit, c'est un coût qui peut réduire leurs possibilités. Or, l'investissement a une grande importance pour la croissance économique : directement, l'investissement productif (définition), c'est-à-dire l'augmentation de la production des biens qui servent à accroître les biens et services, fait partie de la croissance; indirectement, il favorise la compétitivité des entreprises (document 4 ) en leur permettant d'intégrer le progrès technique et d'augmenter la productivité. Depuis le début de l'année 2003, la Banque Centrale Européenne a eu une politique favorable de taux d'intérêt faibles. (Rappel du sujet) Cela suffit-il à relancer un investissement trop faible en France depuis les années 80 ?
(Annonce du plan et justification)
Sans conteste, la baisse des taux d'intérêt fait partie des instruments indispensables à une reprise de l'investissement , mais les faits et l'analyse économique montrent qu'elle ne peut pas toujours suffire.

I. La baisse des taux d'intérêt fait partie des instruments indispensables à une reprise de l'investissement.
(Présentation de la partie) Les entreprises et les économistes sont d'accord pour affirmer que le taux d'intérêt a une importance pour investir : c'est en effet un coût lors des emprunts qui compte dans la rentabilité attendue. A cette raison fondamentale, les années 1978-2003, en France, ont montré que des raisons conjoncturelles pouvaient s'ajouter à cette nécessaire diminution des taux d'intérêt.

1°- raison principale : l'intérêt est un coût
a- (document 3) Les entreprises, elles-mêmes, considèrent que le taux d'intérêt est un des facteurs de l''investissement : en 1992 et en 2004, 20 % des industriels estimaient que le taux d'intérêt exerçait une influence sur la décision d'investir.
  .
b- L'intérêt est un coût pour l'entreprise qui diminue la rentabilité attendue : l'entreprise compare les recettes futures d'un investissement à son coût, l'achat du bien d'équipement, les frais d'entretien et de réparation, pour en déduire son taux de rentabilité attendu (profit attendu divisé par capital engagé). Si le taux de rentabilité est supérieur au taux d'intérêt, l'entreprise investira, sinon elle éliminera son projet.   De ce fait, (document 1)  des taux d'intérêt élevés limitent les investissements car ils augmentent le seuil de rentabilité, et de faibles taux d'intérêt, au contraire, favorisent l'investissement en augmentant le nombre de projets rentables. Prenons un exemple chiffré :  Un entreprise peut, par exemple, avoir trois projets :
1- 100 millions de Francs qui devraient lui rapporter 10 millions par an pendant 5 ans, soit un taux de rentabilité attendue de 10 %.

2- 50 millions de Francs qui devraient rapporter 3 millions de Francs par an pendant 5 ans, soit un taux de rentabilité attendus de 6 %.

3- 80 millions de Francs qui devraient rapporter 2 millions de Francs par an pendant 5 ans, soit un taux de rentabilité attendu de 2,5 %.

Le choix de l'investissement dépend du taux d'intérêt réel prévu : s'il faut emprunter à 6 %. Le premier projet est rentable, le second possible (il peut permettre de gagner des clients même s'il ne rapporte rien, il n'entraîne aucune perte - sauf si les prévisions sont trop optimistes). Le dernier projet ne sera pas réalisé.

Pour un taux d'intérêt  supérieur, par exemple 11 %, aucun ne projet ne serait rentable.

2°- a- l'analyse néoclassique met le taux d'intérêt au centre du marché des fonds prêtables.   (document 5) L'épargne varie dans le même sens que le taux d'intérêt, l'investissement en sens inverse, ce qui permet un équilibre entre la demande et l'offre des fonds prêtables. La banque centrale peut certes intervenir sur le taux d'intérêt mais elle risque d'entraîner un manque d'épargne en le faisant trop baisser. Or, c'est l'épargne qui permet un financement non inflationniste. Le marché est donc le meilleur système pour trouver un équilibre. Baisser trop le taux d'intérêt favoriserait les crédits au-delà des possibilités de création de richesses et conduirait à l'inflation, c'est-à-dire à une richesse fictive. Le raisonnement des entreprises est en terme réel : le taux d'intérêt réel est le taux d'intérêt du marché moins le taux d'inflation. Ainsi, pour un taux de marché de 8 %, une inflation  de 6% conduit à un taux d'intérêt réel faible : 2 %, alors qu'une inflation de 2 % conduit à un taux d'intérêt réel élevé de 6 %.
b- la diminution de l'inflation, à partir des années 1983, a défavorisé l'investissement et rendu la baisse des taux d'intérêt encore plus importante. Or, on voit bien dans le document 2 que le taux d'intérêt réel est resté élevé sur la période 1986-1997 couverte : 6,8 % en 1990 était un taux très élevé, d'autant que les petites entreprises, considérées comme plus risquées par les banques, supportent des taux encore plus élevés. Le taux d'investissement, qui mesure l'effort d'investissement par rapport à la richesse créée, est ainsi resté aux alentours de 18 % avec une exception en 1994. Ce n'est qu'à partir de 2000 que l'investissement a repris avec une baisse des taux d'intérêt que la Banque Centrale Européenne a maintenu jusqu'au milieu 2001 malgré la baisse de l'Euro par rapport au dollar que cela a provoqué.

3°- les entreprises ont préféré les placements financiers.
Même si elles n'empruntent pas et utilisent leurs capitaux propres, le taux d'intérêt sert d'indicateur : pourquoi prendre des risques et investir, s'il est possible de gagner plus en plaçant son capital ? (document 1) La période de forts taux d'intérêt des années 80-90 a été celle du développement des placements financiers : face à l'incertitude du progrès technique, la bourse, la spéculation sur les monnaies ou sur  les matières premières ou même les placements bancaires sont apparus comme plus rentables et plus liquides pour faire face aux imprévus, comme Perrier qui a dû retirer du marché américain ses bouteilles dont certaines contenaient du benzène en 1994 ou Coca-Cola en France en 1999.

(conclusion de la première partie et transition vers  la deuxième) Le retour a des taux d'intérêt plus faibles devrait inverser cette tendance et consolider la reprise de l'investissement en le rendant plus rentable,

II. (présentation de la partie) Les faits et l'analyse économique montrent que la baisse des taux d'intérêt ne
peut toujours suffire.
1- les faits :
(document 2) On devrait trouver un taux d'investissement faible quand le taux d'intérêt réel est élevé : ce n'est pas toujours vrai, la corrélation est mauvaise.
Cette corrélation existe en 1986, 1994 (taux d'intérêt élevé et taux d'investissement faible) et en 2000-2001 (taux d'intérêt réel faible, taux d'investissement élevé) mais le faible taux d'investissement en 1996 et 1997 ne peut pas s'expliquer uniquement par le taux d'intérêt réel. De même comment expliquer le taux d'investissement très moyen en 1978 alors que le taux d'intérêt reste faible ? (remarquez que la transition est incluse dans les phrases précédentes)

2- il y a des causes conjoncturelles :
a) dans les années 1980, la phénomène de désintermédiation a eu lieu
: le rôle des banques a diminué en France dans le financement des investissements. Sous l'influence du modèle anglo-saxon et pour favoriser le financement de ses déficits, l'Etat français a déréglementé et donné plus de liberté aux marchés financiers. Par exemples, la séparation entre banques d'affaires et banques de dépôt a été supprimée permettant plus de concurrence; le monopole des agents de change à la bourse a été supprimé et a favorisé son développement grâce l'achat de titres par les petits porteurs et par les étrangers; les transferts de capitaux entre pays ont été libéralisés favorisant l'internationalisation. Tous ces facteurs ont, dans un sens favorisé les investissements : les entreprises ont pu plus facilement augmenter leur capital par émission de titres et donc financer ainsi leurs investissements, les étrangers ont fortement investi dans notre pays. Pourtant globalement l'investissement est resté atone
(document 5).
b)  L'endettement influence l'investissement. C'est un facteur plus souvent cité par les entreprises que le taux d'intérêt pour toutes les années citées dans le document 3 : 1987-1993. Les banques refusent de nouveaux prêts à une entreprise surendettée car elle ne réussira pas à rembourser. Un taux d'intérêt inférieur au taux de rentabilité de l'investissement permet un effet de levier positif : l'entreprise gagne la différence entre les taux de rentabilité et d'intérêt. Mais si le taux d'intérêt devient supérieur au taux de rentabilité, l'entreprise perd de l'argent et entre dans un cercle vicieux qui la pousse à emprunter sans cesse sans pouvoir rembourser. Face à la hausse des taux d'intérêt, les entreprises ont donc cherché à rembourser leurs emprunts précédents plus qu'à en faire de nouveaux. Ceci explique le taux d'autofinancement supérieur à 100 % à en 1998 (document 2) : 100,5 % en 1998 signifie que l'autofinancement dépassait de 0,5 % l'investissement, les entreprises obtenaient des bénéfices (le taux de marge ne cesse de croître sur la période) mais ne les utilisaient pas pour investir. Ils allaient au remboursement d'emprunts et aux placements financiers.

3- La consommation est déterminante pour l'investissement.

a) les faits : (documents 3) : la demande est un facteur plus souvent cité par les entreprises que le taux d'intérêt ou l'endettement : environ 60 % des chefs d'entreprise la cite comme influençant l'investissement. Les profits escomptés, qui sont l'élément le plus souvent cité (cité par 80 % des industriels) incluent eux-mêmes les ventes futures donc la demande. L'investissement augmente avec la consommation.

(documents 2)
Les variations de la consommation sont corrélées avec une variation de l'investissement avec un décalage d'un ou deux ans. Entre 1994 et 1997, la consommation progresse de moins en moins, et l'investissement ralentit aussi.
Inversement, l'accélération de la croissance de la consommation entre 1997 et 1998 (qui a augmenté de 0,1 % puis de 3,4 %), et son maintien à un haut niveau de croissance en 1999, conduisent à l'augmentation de l'investissement en 2000 et 2001. De nouveau, en 2000-2003, le ralentissement de la consommation entraîne le ralentissement de l'investissement à partir de 2002.

b) explication : L'accélérateur keynésien est un bon instrument d'analyse : un ralentissement de la hausse de la demande (tous les chiffres d'accroissement de la consommation restent positifs sur la période étudiée) suffit à baisser l'investissement.
Certes, le mécanisme n'est pas automatique : malgré la hausse de la consommation, l'investissement peut être faible.Il y a trois explications : les entreprises n'investissent pas si leurs capacités de production ne sont pas totalement utilisées; si la consommation se porte sur des produits extérieurs importés; si elles pensent que cette hausse ne va pas durer. La dernière raison a joué dans l'échec (relatif) de la relance Mauroy en 1981 : les entreprises n'ont pas cru qu'une politique keynésienne, à contre-courant de ce que faisaient les autres pays, puisse durer, elles n'ont pas investi, les français ont acheté des produits étrangers, le déficit extérieur a obligé à l'arrêt de la politique. L'investissement ne s'est évidemment pas amélioré dans la période suivante où la consommation a stagné. (document 6)Les années 80-90 sont celles du chômage de masse et des politiques de rigueur qui ont limité la croissance des revenus, donc de la consommation. L'idée de la nécessité de la consommation pour la reprise de l'investissement est confirmée par les années récentes où la consommation est d'abord repartie (1998), puis l'investissement (1999). Alors qu'en 2002-2003, le ralentissement de la consommation ralentit aussi l'investissement (document 2).

En conclusion (résumer la réponse au sujet en montrant la logique du devoir), l'existence des politiques monétaires, qui par un taux d'intérêt bas favorise l'investissement se comprend fort bien par le comportement de comparaison des coûts et des recettes des entreprises. Un taux d'intérêt élevé est dès lors dommageable pour l'économie, particulièrement si l'inflation est faible,  car il conduit à privilégier les placements financiers au détriment des investissements productifs, seuls susceptibles d'entraîner la croissance et la compétitivité.
 La politique de faibles taux d'intérêt a cependant des limites car les entreprises doivent éviter l'endettement et, surtout, qu'il est inutile d'investir si les perspectives d'achat n'existent pas.

  Les années 1980 ont privilégié la lutte contre l'inflation et le déficit extérieur, ce qui a entraîné de hauts taux d'intérêt, le développement de l'esprit de spéculation, la stagnation des salaires et de la consommation, il n'est donc pas étonnant que l'investissement ait été réduit. (Ouverture) Face à la crise des années 2002-2003, ne faudrait-il pas relancer la consommation ?

 

Vous avez terminé l'étude de la dissertation, pour résumer, faire une dissertation nécessite la réalisation de 6 étapes :
1- analyser le sujet et trouver le(s) plan(s)-bateau(x)
2- rechercher des connaissances personnelles
3- étudier les documents en les comprenant et en recherchant leur intérêt pour le sujet
4- classer les idées dans les grandes parties des plans-bateaux. Vous pouvez alors chercher si un plan original est possible.
5- rédiger l'introduction et la conclusion (non étudiées ici)
6- rédiger les démonstrations et les transitions entre les idées.

Si vous avez l'impression que vous n'avez toujours pas compris ce sujet, un dernier exercice consiste à retrouver le plan détaillé à partir de la correction.

retour à l'accueil
Document réalisé par Isabelle Gautier protégé par la licence LLDL-v1, Licence de Libre Diffusion des Documents, http://pauillac.inria.fr/~lang/licence/v1/lldd.html . Vous pouvez librement utiliser, modifier et diffuser ce document mais uniquement à titre gratuit.