Etude d'une dissertation rédigée : retrouver le plan détaillé
     Dans quelle mesure y-a-t-iI moyennisation de la société française ?

 
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INTRODUCTION :
Alexis de Toqueville définissait au début du XIXe siècle les sociétés démocratiques par la tendance à l'égalisation des conditions. A l'opposé de Karl Marx qui insistait sur l'opposition entre la classe dominante, la bourgeoisie, et celle dominée, le prolétériat, les sociologues individualistes ont montré la tendance à la "moyennisation" de la société française, en particulier dans la seconde moitié du XXe siècle : la classe moyenne se développait et les modes de vie s'homogénéisaient. L'analyse en termes de classe ne s'appuie pas selon les mêmes critères selon le courant sociologique. Les marxistes les définissent par leur place dans les rapports de production (posséder ou non les moyens de production), alors que les sociologues individualistes ont une vision qui inclut plusieurs dimensions : la place économique (revenu, capital, consommation) mais aussi la place sociale (être classé par soi-même et par les autres dans la hiérarchie sociale) et politique (avoir du poids dans les décisions étatiques). C'est cette dernière définition que nous utiliserons car c'est celle des théoriciens de la moyennisation. La classe moyenne qui n'est ni la classe inférieure, ni celle supérieure, se développe-t-elle ? Les modes de vie s'homogénéisent-ils ? Cette tendance fut forte dans les années 1950-70 avec l'expansion de la production et de la consommation de masse mais l'est-elle encore aujourd'hui où l'internationalisation des marchés financiers conduisent à une flexibilité du marché du travail qui accroît les inégalités ?

Les transformations sociales de la France de la seconde moitié du XXe siècle sont marquées par une transformation numérique des classes sociales et par le développement de la société de consommation qui vont dans le sens d'une moyennisation.
Les études statistiques, utilisant les catégories socio-professionnelles, ne permettent pas facilement de voir l'évolution des classes sociales : la bourgeoisie n'apparaît pas, la catégorie "patrons" n'incluant que les entrepreneurs individuels, artisans, commerçants ou chefs d'entreprise, et non pas les patrons des grandes entreprises qui sont salariés lorsque l'entreprise est une société anonyme ou qu'ils sont gérants minoritaires d'une SARL. Ces derniers sont inclus dans la catégorie "cadres et professions intellectuelles supérieures" ("cadres" en résumé). Pourtant, tous les cadres ne peuvent pas être classés dans la classe supérieure : le salaire, le pouvoir économique et la considération sociale d'un professeur n'ont rien à voir avec ceux d'un préfet ou d'un directeur commercial d'une grande entreprise. Bref, l'étude numérique à partir du document 1 ne peut qu'être approximative. Elle dégage cependant deux éléments.
Premièrement, la classe inférieure est stable parmi les actifs entre 1962 et 2001. Cette classe inclut les ouvriers et les employés, dont le salaire,le niveau de vie et la place sociale sont proches des ouvriers (les mariages sont d'ailleurs fréquents entre les deux catégories). La CSP la plus nombreuse au début des années 1950 était celle des ouvriers. En 1962, encore, sur 100 actifs, 39 étaient ouvriers (document 1). Avec le développement du secteur tertiaire où les emplois d'ouvriers sont possibles mais moins fréquents que dans l'industrie, cette part dans la population active totale ne cesse de décroître. La tertiarisation s'explique par les plus faibles gains de productivité de ce secteur et par l'augmentation de la demande, ces deux phénomènes conjugués conduisant à une hausse de l'emploi dans les services. Depuis 1970, la baisse de l'emploi industriel lié à la mécanisation (l'industrie produit plus mais avec moins d'hommes) accélère cette baisse des ouvriers qui ne sont plus aujourd'hui que la 2e CSP après les employés. Au contraire, la CSP des employés progresse de 18 à 29 % du total des actifs, d'où une stabilisation du total à 57 % des actifs. Si l'on éliminait les chômeurs, classés dans leur catégorie d'origine s'ils ont déjà travaillé, le % parmi les emplois "inférieurs" diminuerait légèrement.

Deuxièmement, la nouvelle classe moyenne est en progression : la part des professions intermédiaires parmi les actifs a augmenté passant de 11 % des actifs en 1965 à 21 % en 1984. D'une part, avec la concentration des entreprises, les emplois d'encadrement progressent, comme par exemple les chefs de service, d'autre part, avec le développement technique, les emplois qualifiés basés sur des compétences intellectuelles, comme les techniciens, sont aussi en hausse. Il faudrait y ajouter une partie des cadres qui ont un revenu, un pouvoir économique et une place sociale plus moyenne que haute (un directeur commercial fait partie de la classe supérieure mais certainement pas un professeur de lycée) pour former l'ensemble de la nouvelle classe moyenne en hausse. Elle est nouvelle parce que sa place est liée à sa qualification, les anciennes classes moyennes (artisans, commerçants, petits chefs d'entreprise auxquels certains ajoutaient les agriculteurs) devaient leur position à la propriété de leur entreprise. Ces anciennes classes moyennes sont en forte baisse avec la concentration des entreprises et avec les gains de productivité. Ce développement des salariés conduit à une homogénéisation des modes de vie, autre élément de la moyennisation de la société française.
Les "30 glorieuses" ont été marquées par une forte hausse du niveau de vie : le pouvoir d'achat du salaire ouvrier, donc la quantité de biens et services qui pouvait être achetée, a progressé de 4,8% par an entre 1950 et 1955 (document 4). D'une part leurs salaires ont augmenté, d'autre part, grâce au progrès technique et aux gains de productivité, le prix des biens a diminué. Cette hausse du niveau de vie a touché tous les salariés, les ouvriers étant , en moyenne, les moins payés. Ainsi les biens d'équipement, comme les machines à laver, les frigidaires, les télévisions ou le téléphone, ont pu se généraliser dans les ménages (document 2).
D'où vient cette progression ? D'abord de la production de masse, initiée au début du XXe siècle par la division taylorienne puis fordienne du travail, elle permit des gains de productivité élevés permettant de diminuer les prix des produits et donc de les rendre accessibles au plus grand nombre. Cette hausse de ventes est elle-même facteur d'économies d'échelle et engendre de nouveaux gains. La crise de 1929 a montré la limite à la production de masse lorsqu'elle ne s'accompagne pas d'une consommation de masse. C'est pourquoi, après 1945, le fordisme s'est imposé incluant des hausses régulières de salaire dans les entreprises et l'intervention de l'Etat par la sécurité sociale et la redistribution pour régulariser les revenus et permettre les ventes.
Les nouveautés permises par le progrès technique restent l'apanage des riches mais ils sont rapidement copiés par les classes moyennes qui appuient ainsi le processus de la production de masse.

Enfin, la tertiarisation joue également un rôle car elle s'accompagne de l'urbanisation et des ventes en grandes surfaces, qui, comme le crédit à la consommation, diffusent les nouveautés.
La moyennisation de la société française correspond à cette augmentation de la classe moyenne et à la généralisation de la consommation de masse à l'ensemble de la population. Se poursuit-elle encore ou ne fut-elle qu'une période passagère ?

Depuis les années 1980, l'abandon du fordisme remet en cause la moyennisation tant pour le nombre de personnes appartenant à la classe moyenne que pour le renouveau des inégalités de modes de vie.
La hausse de la part des professions intermédiaires ne s'est pas poursuivie après 1984 (document 1). Louis Chauvel (document 4) en conclut que la moyennisation n'a plus lieu : nombreuses sont les professions intermédiaires âgées alors que le recrutement est faible. Ceci peut s'expliquer par l'évolution de l'organisation du travail : le post-taylorisme s'appuie davantage sur l'organisation en groupe des salariés et sur les contraintes par la demande (les clients) que le taylorisme qui faisait imposer les rythmes de travail par les petits chefs. Dès lors, pour réduire le coûts, l'encadrement diminue en nombre. Le déclassement d'un certain nombre de jeunes techniciens obligés par l'importance du chômage d'accepter des emplois sous-qualifiés va dans le même sens : les qualifications techniques augmentent aux niveaux inférieurs de la hiérarchie du travail remplaçant en quelque sorte les emplois intermédiaires.Cela pourrait conduire à plus d'égalités, mais c'est l'inverse qui se produit car l'accentuation de la concurrence engendre des inégalités.
Ces inégalités sont culturelles (document 6) : les indicateurs choisis par l'étude de l'INSEE représentent pour la plupart la culture de la classe supérieure : lecture de livres, visites au musée, théâtre, concert, pratiques d'instrument de musique ou d'art (même si il serait nécessaire de voir le contenu exact des concerts ou des livres). C'est la culture apprise (en partie) par l'école et frèquente dans la classe supérieure. Les cadres pratiquent nettement plus cette culture que les ouvriers. Par exemple, 84 % des cadres ont lu au moins un livre dans l'année, pour 33 % des ouvriers. Les ouvriers sont 3 fois moins nombreux à aller au musée - exposition - monument historique, 4 fois moins au concert - théâtre, 3 fois moins à pratiquer une activité musicale ou artistique (mais la pratique est faible y compris chez les cadres). Les classes moyennes, traditionnelle (artisans-commerçants-chef d'entreprise) ou nouvelle (professions intermédiaires), se situent dans une moyenne entre les deux catégories précédentes.
Les différences culturelles s'expliquent par la socialisation, Bourdieu parle de "l'habitus de classe". Les cadres donnent une grande importance à la culture savante et habituent leurs enfants à celle-ci. Les ouvriers privéligient le savoir concret et les rencontres entre amis. Elles s'expliquent aussi par les différences de revenus : le bas du tableau indique très nettement que les pratiques culturelles augmentent régulièrement avec les revenus. Par exemple 16% des bas revenus vont au théâtre ou au concert et ce pourcentage augmente jusqu'à 49 % des hauts revenus. Il y un coût des sorties, mais le revenu n'est certainement pas le facteur dominant : il existe par exemple des bibliothèques municipales gratuites.
L'existence de différences culturelles montre qu'il n'y a pas eu généralisation de la culture dominante avec la hausse des niveaux de vie. Les différences de classes se maintiennent. Economiquement, elles ont même tendance à augmenter.
L'égalisation des conditions, selon l'expression de Toqueville, est avant tout un imaginaire : "je me pense égal des autres", mais il faut bien une réalité concrète pour l'appuyer. En 1955, un ouvrier pouvait espérer obtenir le niveau de vie d'un cadre (de 1955) 29 ans plus tard soit en 1994 (document 4). C'était possible, envisageable. En 1995, le temps de rattrapage est passé à 316 ans : l'ouvrier ne le verra pas. Ce calcul montre bien le changement de société : certes, les inégalités étaient plus fortes en 1955, puisque le cadre gagnait en moyenne 3,9 fois le salaire de l'ouvrier alors qu'en 1995 il ne gagne que 2,9 fois ce salaire, mais la croissance les diminuait : "peu m'importe que le cadre gagne beaucoup plus que moi si un jour je peux obtenir autant".
Ce ralentissement de la croissance du niveau de vie est lié au chômage de masse qui pèse sur les salaires depuis les années 1980. L'internationalisation de la production a augmenté la concurrence et les entreprises sont poussées à économiser le travail, à licencier, à réduire leurs coûts notamment par la précarité qui leur permet d'adapter la production aux variations de la demande sans payer d'indemnités de licenciement et d'éliminer les hausses de salaire à l'ancienneté. Les emplois non qualifiés sont les plus touchés et la classe inférieure s'éloigne de celle supérieure et parfois même de la société de consommation. Au contraire, les hauts cadres, très recherchés par les entreprises pour leurs connaissances pointues, reçoivent à la fois des hausses de salaires et des "stocks options" qui n'augmentent pas leur salaire mais leurs revenus (ce qui fausse les calculs des inégalités dans le document 4 : la plupart des cadres n'ont pas pour seul revenu leur salaire, les ouvriers si). La mondialisation des marchés financiers intensifie ce processus car les actionnaires réclament une part de plus en plus élevée de la valeur ajoutée : les entreprises licencient, comme Michelin, même lorsqu'elles font des profits.
Les politiques économiques ont du mal à se définir dans ce contexte. Les discours prônent la lutte contre l'exclusion mais aussi la compétitivité face à la concurrence extérieure. La lutte contre l'inflation, mise en priorité dans les années 1980, avait augmenté les taux d'intérêt, favorisant les placements financiers au détriment de la production créatrice d'emplois. Même la politique de lutte contre le chômage utilise les outils libéraux : liberté de licenciement, emplois précaires, diminution du coût du travail par l'allègement des charges sociales ou même en finançant les emplois privés par des fonds publics (cas du RMA)... Ces mesures augmentent les inégalités sans forcément améliorer l'emploi : elles seraient efficaces sur le chômage provenait d'un coût trop élevé du travail, elles ne le sont pas s'il est dû à un manque de demande.

Les analyses sur la moyennisation se sont développées pendant les "30 glorieuses", la société française se développerait en forme de toupie. En effet, la classe ouvrière perdait (et perd encore) de son poids dans la population active ainsi que les petits indépendants. Au contraire, la classe moyenne nouvelle, incluant les professions intermédiaires et les "petits cadres", progresse en nombre. Ce développement des salariés qualifiés favorisait la réduction des écarts de revenus et le développement de la société de consommation appuyée par l'intervention de l'Etat.
Cependant, ce mouvement de moyennisation semble remis en cause depuis les années 1980 : la classe moyenne cesse de progresser numériquement, les inégalités culturelles sont toujours aussi importantes, les inégalités économiques progressent avec la flexibilité du marché du travail et la mondialisation qui modifie les politiques économiques.
Les sociétés développées sauront-elles résoudre le problème du chômage et revenir à plus d'égalités ?




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Sujet de Nicole Duvert, exercice réalisé par Isabelle Gautier protégé par la licence LLDL-v1, Licence de Libre Diffusion des Documents, http://pauillac.inria.fr/~lang/licence/v1/lldd.html . Vous pouvez librement utiliser, modifier et diffuser ce document mais uniquement à titre gratuit.